Pr koi fR ??
Rien n'est plus difficile que de motiver à un ado de 14 ans. Quelque soit le truc. Un ado c'est mou, c'est blasé, ça connait déjà le monde bien mieux qu'un vieux con de 22 ans qui comprend rien à la vie. La preuve : à 14 ans, il n'avait même pas Facebook lui ! Msn ??? Pff, trop la honte...
Obtenir qu'un de mes jeunes lâche son portable pendant une réunion d'aumônerie est déjà une performance. Tenter de lui faire mettre sur silencieux, c'est rejouer David contre Goliath (avec un Samsung Galaxy dans le rôle de Goliath, et nettement moins de chance de victoire pour David). Lui faire carrément éteindre ? Ceux qui s'y sont essayés n'en sont jamais revenus.
Alors le faire aller à la messe d'aumônerie une fois par mois...
Parce que, vous voyez, l'ado a une réponse imparable, qui s'applique à toute situation et tout interlocuteur :
« Pour quoi faire ? » (si possible avec une voix un peu trainante)
Imparable je vous dis. Version non-censurée ça donne : « t'es gentil papy, mais parlons business, j'y gagne quoi moi là-dedans ? ». Les gamins c'est plus ce que c'était...
Quand il s'agit d'aller à l'école ou de se laver les dents matins et soirs, l'argumentation reste assez simple. Mais lorsqu'il faut expliquer l'intérêt de la messe ou de la prière, c'est forcément plus délicat.
C'est délicat parce que les mots qui décrivent la vie spirituelle sonnent souvent creux. J'ai mille fois expliqué ce que je vivais avec la religion, à mille personnes différentes, mais le constat est toujours le même : ça rend bof.
Quand les autres me parlent de la leur, c'est souvent la même : ils ont des phrases qui rendent bien, mais qui restent complètement abstraites pour moi. « Amour », « Intimité avec Dieu », « Paix intérieure », pour celui qui ne le vit pas exactement de la même manière, ça ne veut pas dire grand chose. Encore pire avec la génération de mes animés. Il faudrait leur parler Cac 40, rentabilité, expliquer pourquoi Dieu est "bankable", là j'aurais peut-être une chance.
Donc je leur dit quoi à mes ados ?
Désormais je leur dit ceci : "faites et vous comprendrez".
Je crois que c'est le seul chemin. Le témoignage d'un n'est qu'une invitation à entreprendre par soi-même. Donner "l'envie de", prouver que oui, ça peut mener quelque part. Après c'est à chacun de faire sa propre expérience de la foi. Souvent on ne sait pas où on va, on se sent même un peu con. Normal ! Il suffit de lancer le truc, Dieu se charge du reste. Toute ma foi s'est construite comme ça : au bluff et par étapes. La messe, la prière, le Carême, à chaque fois c'était "histoire de voir", mais sans conviction. Je ne me rendais pas compte que je lançais des bonnes grosses perches à un mec là-haut que n'attendait que ça.
J'ai commencé à aller à la messe le dimanche pour faire "comme si ma confirmation avait servi à quelque chose". J'allais à l'Eglise, je revenais, et le dimanche suivant j'y retournais. Un parfait petit fonctionnaire du service des sports à la mairie. Mais bon, après quelques mois ça me semblait un peu inutile.
Je m'en suis ouvert à un prêtre, qui m'a expliqué que je posais les fondations de quelque chose, que cela pouvait prendre du temps, mais que les fruits finiraient par ramener leur fraise*. Je suis reparti avec l'impression d'avoir encore entendu une belle phrase vide qui ne voulait rien dire. Quelques années après, vous êtes les mieux placés pour voir la différence, et je peux vous dire que cette réflexion était la sagesse même.
Voilà le coup d'envoi parfaitement anodin de mon cheminement intérieur. Un ado qui s'est forcé à aller à la messe pour faire genre, et Dieu qui débarque sans faire de bruit. Un ado qui commence à prier un peu n'importe comment parce qu'il a envie de parler à Jésus sans trop savoir qui c'est, ni s'il est vraiment là. Et puis les rencontres, les Jmjs, l'animation de jeunes, re-les jmjs. Un grand père, des vietnamiens, des ivoiriens, un frère jumeau, une copine. Toujours cette présence qui grandit, et l'envie de la partager qui grandit avec. Et finalement un blog...
A qui le tour ?
Ps : Ce "témoignage" ne t'as pas parler ? Mes mots restent de vagues énigmes ? C'est que c'est le moment d'y aller solo : CQFD
*Copyright sur cette blague, et interdiction formelle de partir sur la pub Oasis dans les commentaires...